La question de la toxicité des huiles essentielles revient très souvent dans vos messages. Il n'est jamais simple d'établir des listes exhaustives, les informations issues de dizaines d'études menées dans le monde et au fil du temps sont éparses et demandent à être analysées avec beaucoup d'attention. Un tel travail de recensement et de synthèse a été mené, notamment, par R. Tisserand et R. Young, et publié en 2014 dans un ouvrage, Essential Oil Safety, qui reste à ce jour la référence majeure sur le sujet. Les données proposées ici sont directement issues de cet ouvrage, qui n'existe pas en version française.
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1. Les huiles essentielles à potentiel phototoxique
Qu'est-ce que la phototoxicité provoquée par une huile essentielle ?
C'est une réaction chimique qui se produit lorsque les UV (solaires ou artificiels) entrent en contact direct avec les composés d'une huile essentielle appliquée sur votre peau. Ce qui provoque soit l'équivalent d'une brûlure, dont l'intensité dépend du temps d'exposition et de l'importance variable de la réaction. Et qui se traite comme une brûlure provoquée par la chaleur. Pour éviter ça, il faut s’assurer d’un délai minimum de 12 heures sans exposition aux UV après utilisation d'une huile essentielle photosensibilisante, même très diluée. Ou alors respecter les dosages maximaux qui protègent de cette réaction chimique (voir le tableau plus loin). Plus le dosage utilisé est important, plus il est nécessaire d'allonger le délai avant exposition.
Soit elle provoque une réaction allergique, qui intervient souvent lors d'une deuxième application : une allergie se déclare souvent au 2e contact avec un allergène, l'organisme ayant produit des anticorps après le 1er contact. C’est la raison principale pour laquelle on recommande, de façon générale, de toujours tester une huile essentielle. Et on attend d’être sûr·e qu’il n’y a pas rejet : une réaction allergique peut se déclarer 48 heures après contact…
Pour éviter toute réaction phototoxique, plusieurs options : couvrir complètement la zone où l'HE a été appliquée ; utiliser l'HE concernée de préférence le soir ou la nuit, et être attentif au délai minimal de sécurité ; ne pas dépasser la dose maximale recommandée qui permet d'éviter cette réaction, en tenant compte de l'absorption éventuelle de ces composés sous d'autres formes que celle d'une HE.
Phototoxicité et dosages recommandés
phototoxicité démontrée
Nom botanique | Partie de la plante | Nom vernaculaire fr | Dose maximale recommandée |
---|---|---|---|
Angelica archangelica | racine | angélique | 0,8 % |
Citrus aurantiifolia | zeste (expression) | limettier | 0,7 % |
Citrus x aurantium C. aurantium ssp amara | zeste (expression) | orange amère | 1,25 % |
Citrus x bergamia | zeste (expression) | bergamote | 0,4 % |
Citrus limon | zeste (expression) | citron | 2 % |
Citrus x paradisi | zeste (expression) | pamplemousse | 4 % |
Citrus reticulata | feuille | mandarine | 0,17 % |
Cuminum cyminum | semences | cumin | 0,4 % |
Ruta graveolens | feuille | rue officinale | 0,15 % |
phototoxicité potentielle ou probable
Signalées contenir des molécules potentiellement phototoxiques, mais non testées,
ou bien résultats contradictoires des tests
Nom botanique | Partie de la plante | Nom vernaculaire fr |
---|---|---|
Ammi visnaga | semences | khella |
Apium graveolens | feuille, tige | céleri feuille |
Citrus clementina | zeste (expression) | clémentine |
Levisticum officinale | feuille | livèche |
Pastinaca sativa | racine | panais |
Pogostemon cablin | feuille | patchouli |
Skimmia laureola | feuille | skimmia |
Ne sont pas phototoxiques
Nom botanique | Partie de la plante | Nom vernaculaire fr |
---|---|---|
Citrus limon | zeste distillé | citron |
Citrus limon | feuille distillée | citron |
Citrus aurantiifolia | zeste (expression) | mandarine |
Citrus sinensis* | zeste (expression) | orange douce |
Citrus x aurantium | feuille | orange amère |
Citrus unshiu | zeste (expression) | mandarine satsuma |
Citrus reticulata x C. x paradisi |
zeste |
tangelo |
Citrus reticulata |
zeste |
tangor |
Citrus junos |
zeste (expression ou distillation) |
yuzu |
* Orange douce. Tisserand & Young précisent : “L'essence d'orange douce n'est pas phototoxique (Opdyke 1974 pp.733-734) et aucune molécule de bergaptène n'a été détectée dans cinq échantillons de différents types de C. sinensis (Sawamura et al 2009.” D'autres sources, selon les échantillons utilisés, indiquent une présence, parfois très faible, de bergaptène. Dans le doute sur la composition exacte de l'huile essentielle que vous utilisez, il est toujours possible d'appliquer le principe de précaution en respectant le délai de 12 heures.
2. Les huiles essentielles à potentiel de dépression du système nerveux central (SNC)
Qu'est-ce que le système nerveux central ?
Si vous n'en avez pas d'idée précise, je vous recommande la lecture de cet article du Vulgaris Médical, qui vous en propose une première approche dans un langage simple et très abordable. La définition de base qui y est donnée est la suivante : “Le système nerveux est l'ensemble des centres nerveux et des nerfs permettant de coordonner et de commander les différents appareils (ensemble d’organes qui remplissent une fonction, au sens large du terme) de l’organisme, mais également la réception des messages liés à la sensation, à la cognition (moyen intellectuel par lequel on acquiert une connaissance) et au psychisme.” Pour des détails plus spécifiques, vous pouvez vous reporter, par exemple, au site Campus de Neurochirurgie.
Comment se manifeste une dépression du SNC ?
Rapidement, et pour rester dans le cadre de cette présentation générale, la dépression du SNC peut entraîner, entre autres, une baisse du rythme respiratoire ou cardiaque, une somnolence, des baisses de l'attention ou des troubles de la mémoire, des vertiges, une baisse de la pression artérielle, des maux de tête, un affaiblissement ou une altération de la coordination motrice… L'alcool est l'exemple le plus courant de ce qui peut provoquer plusieurs de ces symptômes.
Les composés et huiles essentielles qui peuvent déclencher une dépression du SNC
Le dosage et le “terrain” ont une part déterminante dans la puissance de l'activité relevée. Sans compter qu'un composé seul n'est qu'une indication, qui ne tient pas compte de l'interaction de l'ensemble des composés (totum) d'une huile essentielle donnée.
Important : un ralentissement de l'activité du SNC n'est pas obligatoirement un “résultat toxique”. Il peut permettre, par exemple, de faciliter endormissement et sommeil. C'est la raison pour laquelle on retrouve un certain nombre des molécules suivantes dans les huiles essentielles préconisées dans ce cas.
Composé | Source | Ex. d'HE qui en contient | Nom vernaculaire fr | Taux moyen |
---|---|---|---|---|
bornéol | Thymus saturejoides ct bornéol | thym saturéioïdes | 20 % | |
cis-jasmone | Jasminum sambac | jasmin (absolue) | 14 % | |
citronellal | Citrus hystrix | combava | 60-80 % | |
citronellol | Cymbopogon nardus | citronnelle de Ceylan | 3-22 % | |
eugénol | Cinnamomum tamala | malabarthe | 78 % | |
linalol | Aniba rosaeodora | bois de rose
basilic doux fragonia | 80-95 %
| |
menthol | Mentha arvensis | menthe des champs | 29-35 % |
On notera aussi, en complément pour l'activité sur le SNC, que certaines molécules peuvent être psychoactives. Ce qui signifie, dans le cas des huiles essentielles, qu'elles peuvent agir sur la perception et altérer l'attention et/ou les processus mentaux.
C'est le cas par exemple de la myristicine et de l'élémycine, qu'on trouve dans l'huile essentielle de muscade (Myristica fragrans), notamment celle qui est produite à l'est de l'Inde. Il semble qu'en ingestion à dosage très élevé, elle puisse provoquer quelques effets psychotropes. Néanmoins, deux auteurs soulignent qu'elles ne peuvent probablement pas déclencher cet effet à elles seules, mais en combinaison avec d'autres composés (J. Bruneton, E. Poupon, Pharmacognosie, Phytochimie, Plantes médicinales).
La partie suivante sur les toxicités potentielles apportera quelques détails sur les HE potentiellement hépatotoxiques, neurotoxiques, etc.
À suivre !
Mise en ligne 29 avril 2020