Mais c’est quoi, cette « aromathérapie » à la fin ?  
Vous en entendez de plus en plus parler. Par vos amis ou votre famille, qui cherchent des moyens de limiter leur consommation de produits de synthèse, et les effets secondaires néfastes qui les accompagnent souvent. Ou bien qui savent qu’on peut se sentir mieux, ou se soigner, en les utilisant. Mais vous ne savez pas très bien si c’est juste un peu fantaisiste ou bien si ça a des fondements solides. Si vous cherchez juste des “recettes d’huiles essentielles”, ce n’est pas ici que vous les trouverez. Mais si vous voulez vraiment vous intéresser de près au sujet, si vous en avez déjà quelques notions précises, ou si vous suivez une formation en aromathérapie, alors vous êtes au bon endroit.

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Le Tisserand Institute met à disposition sur son site l’article

“Debunking Functional Group Theory: Not Supported by Current Evidence and Not a Useful Educational Tool” (Démystifier la théorie des groupes fonctionnels: une approche non corroborée par les données actuelles et un outil pédagogique inutile)
paru dans The International Journal of Professional Holistic Aromatherapy à la fin de l'hiver 2018.

Le modèle proposé il y a près de 30 ans dans l’Aromathérapie exactement (voir Références) est analysé par de grands spécialistes et mis en perspective. On y lit que ce n'est pas ce modèle incontournable auquel il faudrait absolument se référer, contrairement à ce qui se passe dans de nombreuses formations, même les plus sérieuses.

Le Dr Pénoël, en mars 2021, a publié une réponse à cette analyse. Qu'il conteste en plusieurs points, pour la remettre en cause, de façon très argumentée. Il y donne, notamment et entre autres, une définition claire de ce qu'est l'aromathérapie clinique en France, et les différences fondamentales qu'elle présente avec l'aromatherapy anglo-saxonne, soulignant que les deux termes pourtant proche désignent en fait des réalités très différentes.
Cette réponse est disponible par le biais du site de formation d'Osmobiose (pdf gratuit) :

Summary in English here. For English speakers, Dr Pénoël offers also a 3-hour podcast : The Functional Group in Aromatherapy. How Important is It?

Une définition de l’aromathérapie

L’aromathérapie est une branche de la phytothérapie, une médecine traditionnelle très ancienne qui utilise les plantes et de leurs principes actifs pour soigner et traiter les différents maux dont nous pouvons être atteints. « Phytothérapie » vient du grec phytos, végétal, plante, et therapei, soins médicaux, traitements.

Dans le même but thérapeutique, l’aromathérapie utilise les huiles essentielles, les essences extraites par distillation ou expression à froid des diverses parties des plantes aromatiques, et les hydrolats.

Les précisions des spécialistes en aromathérapie

Gerhard Buchbauer [1] précisait, en 1988, que : 

Le terme aromathérapie est strictement défini comme l'utilisation thérapeutique de substances volatiles pour guérir, atténuer ou prévenir les maladies, les infections et affections uniquement par inhalation.

L'aromathérapie n'est pas l'administration de médicaments par aérosols, ni l'application d'huiles essentielles ou de parfums en cosmétiques, ni l'utilisation d'huiles essentielles comme huiles de massage ou ingrédients de parfums.

Cette définition souligne l'importance de l'olfaction dans l'action thérapeutique des huiles essentielles. Elle permet aussi de comprendre que voie cutanée et voie olfactive sont deux voies d'administration privilégiées dans la plupart des pratiques d'aromathérapie, bien que Buchbauer les exclue de sa définition.

Trente ans plus tard, l'aromathérapie recouvre une réalité multiple. Et ce que Buchbauer rejetait de la définition y est maintenant pleinement intégré dans la pratique. En 2010, lors d'une conférence à Tokyo, Robert Tisserand modulait fortement la première acception de ce qu'est l'aromathérapie : 

Trente ans plus tard, l'aromathérapie recouvre une réalité multiple. Et ce que Buchbauer rejetait de la définition y est maintenant pleinement intégré dans la pratique. En 2010, lors d'une conférence à Tokyo, Robert Tisserand modulait fortement la première acception de ce qu'est l'aromathérapie : 

L'aromathérapie, c'est en fait un grand nombre de façons différentes d'utiliser les huiles essentielles, qui ne sont que vaguement liées entre elles. Il y a donc les soins de la peau, l'aspect psychologique, l'hygiène environnementale et l'aspect médical. Beaucoup de ces aspects ont des liens entre eux, bien que de fait, ils soient tous très distincts. Mais tous se regroupent sous l'appellation d'“aromathérapie”.

Aromathérapeute, Robert Tisserand

Robert Tisserand

C'est René-Maurice Gattefossé, chimiste et parfumeur du sud de la France, qui a inventé le terme en 1937. Il s’appuyait alors sur de toutes jeunes recherches en chimie, et sur une très bonne connaissance des traditions d’usage médicinal de certaines plantes.

Comment l’aromathérapie fonctionne-t-elle ?

En s’appuyant sur les essences distillées des plantes aromatiques, l’aromathérapie aujourd’hui permet de traiter chaque personne en ne se préoccupant pas seulement de résoudre des symptômes – en deux mots, les manifestations externes d’une affection physique ou morale – mais en essayant d'en identifier et d'en traiter les causes. Elle est un bon moyen de travailler sur l’équilibre interne du corps et de l’esprit. Parce que c’est cet équilibre qui soutient l’énergie physique et mentale nécessaire pour assurer et renforcer l’immunité qui éloigne les menaces de maladie.

En bref, elle permet de traiter une personne dans son ensemble et dans son individualité, sans considérer qu'il suffirait d’éliminer des symptômes selon un processus standardisé qui ne tiendrait pas compte d’un contexte très particulier à chacun.

Qu’est qu’une huile essentielle ?

De façon simplifiée, les huiles essentielles et essences sont des produits obtenus à partir des extraits de plantes aromatiques, par distillation ou expression à froid. Les plantes aromatiques produisent des essences pour plusieurs raisons : repousser les organismes qui leur sont néfastes (insectes ou bactéries et champignons), attirer les animaux pollinisateurs, et empêcher d’autres plantes de se développer trop près.

Mais notez que le processus de distillation transforme les essences des plantes : certaines molécules présentes dans les parties de la plante distillée ne se trouvent parfois pas dans l’huile essentielle obtenue. D’autres, qui n’étaient pas à l’origine dans l’essence de la plante, peuvent se trouver dans l’huile essentielle. C’est la raison pour laquelle on ne peut en aucun cas étendre systématiquement les propriétés connues d’une plante à son huile essentielle. L’une et l’autre ont leurs vertus propres, qu’elles peuvent parfois aussi avoir en commun bien évidemment.

Les abeilles transforment le pollen qu’elles récoltent pour en faire le miel qui les nourrit.

Le processus de distillation transforme les essences extraites des plantes, pour en faire les huiles essentielles qui nous font du bien.

Des produits puissants et concentrés

Les huiles essentielles sont des produits hautement concentrés – il faut souvent des centaines ou des milliers de kilos d’une plante pour obtenir 1 kilo d’huile essentielle – et très puissants. Il est donc nécessaire d’avoir une bonne connaissance des huiles essentielles pour les utiliser efficacement et avec le moins de risques possible. Le problème des « recettes » toutes faites qu’on trouve ici et là, et à profusion sur le web, est qu’elles ne s’adressent jamais à votre problème en particulier, dans sa spécificité liée à vous, individu unique. Chacun d’entre nous réagit différemment à telle ou telle huile essentielle. De plus, aucune huile essentielle n’a réellement de composition standard, parfaitement identique de l’une à l’autre…

Les bienfaits des huiles essentielles en aromathérapie

Les huiles essentielles contiennent des centaines de composants différents. Les développements de l’analyse chimique depuis la fin du 19e siècle ont permis d’en isoler un certain nombre, et d’étudier certains de leurs effets. Le linalol, par exemple, une molécule qu’on trouve notamment dans l’huile essentielle de lavande vraie (Lavandula angustifolia), a prouvé avoir des effets calmants et relaxants. Surtout quand il est associé à l’acétate de linalyle, autre molécule présente dans la lavande vraie. Les infusions de la plante sont depuis longtemps recommandées dans ce cadre. Et certaines études menées sur l’huile essentielle ont montré qu’elle avait cette même propriété. L'huile essentielle de bergamote (Citrus aurantium var. bergamia), réputée elle aussi pour ses effets calmants, contient ces deux mêmes molécules.

Mais la chimie n’a pas encore réussi à décrypter le secret de l’interaction de tous ces composants. Elle n’a pas permis de déterminer par quels mécanismes exacts ils s’influencent mutuellement et produisent ensemble des actions qu’on ne réussit pas à reproduire en laboratoire… Et surtout, le mystère reste entier sur l’“intelligence” des huiles essentielles, qui agissent s’il le faut, là où il faut, mais n’agissent pas si ça n’est pas nécessaire. Madame Nature a plus d'un tour dans son sac et n’a pas fini de nous fasciner !

On recommande en général l’utilisation des huiles essentielles avec l’un ou plusieurs de ces objectifs :

  • Calmer la douleur et l’inflammation
  • Stimuler le système immunitaire
  • Réduire le stress, l’anxiété et la déprime
  • Retrouver l’équilibre des émotions, et un ancrage solide
  • Alléger les symptômes des rhumes et soigner les voies respiratoires
  • Améliorer la digestion et contrer les dyspepsies
  • Soulager les crampes et tensions musculaires et articulaires
  • Équilibrer les productions d’hormones
  • Régénérer et nourrir les cellules cutanées
Avis d'expert - l'aromathérapie - RTS


Une introduction à l’aromathérapie claire, rapide (11 mn) et efficace réalisée par la RTS (Radio Télévision Suisse) en 2014, dans l’émission “Avis d'experts”

Faut-il être chimiste pour utiliser les huiles essentielles ?

Non. Avoir une connaissance de base des principales molécules entrant dans la composition de la plupart des huiles essentielles est d’une utilité certaine. Mais même si on a réussi à déterminer l’action de certaines molécules isolées, il ne faut jamais perdre de vue ce qu’il faut répéter inlassablement : des centaines de molécules différentes entrent dans la composition d’une huile essentielle. On peut difficilement se baser sur l’action de l’une seulement d’entre elles pour déterminer les propriétés d’une huile essentielle complète.

Les familles chimiques

Depuis les années 1990, le système des « familles chimiques » s'est répandu en aromathérapie, en France comme ailleurs. Notamment à la suite de la publication de l’ouvrage de P. Franchomme et du Dr D. Pénoël, l’Aromathérapie exactement. Très brièvement, les molécules sont regroupées selon qu’elles ont un atome ou un groupe d’atomes commun, auquel est attribué des propriétés chimiques identiques. De cette façon, les composants des huiles essentielles identifiés ont été regroupés en «familles chimiques». Ces « familles » se sont vu attribuer des propriétés et des toxicités qui s'appliqueraient aux huiles essentielles qui les contiennent.

Exemples d’affirmations problématiques

Ainsi par exemple, une huile essentielle contenant une cétone serait, par la présence de cette cétone, systématiquement et en vrac : immunostimulante, anti-inflammatoire, antifongique, lipolytique… pour les propriétés positives. Pour la toxicité, elle serait neurotoxique, abortive, drainante hépatique ou hépatotoxique selon la dose, etc. Il est assez difficile de trouver des informations précises sur le pourcentage nécessaire de cette cétone dans la composition de l’huile essentielle pour qu’elle produise l’effet indiqué. Les chiffres varient, voire sont inexistants selon les sources. Autre exemple : les propriétés attribuées au groupe des oxydes sont basées uniquement sur celles du 1,8 cinéole. Qu’en est-il des autres oxydes ? Le modèle en question ne donne pas de réponse.

Un système fortement remis en question

C'est un système qui a été proposé il y a maintenant une trentaine d’années, comme «cadre de référence» général, selon l’expression du Dr Pénoël, l’un de ses inventeurs [2]. Les résultats plus ou moins récents dans le domaine de l’analyse chimique des huiles essentielles montrent que ce système des « familles chimiques », répété dans de nombreux livres et enseigné dans de nombreuses formations, a vraiment ses limites

Cette méthode, à laquelle tout le monde n’a pas adhéré encore aujourd’hui, est de plus en plus régulièrement remise en cause. Chacune de ces « familles » regroupe un très grand nombre de composants, qui ont par ailleurs des caractéristiques propres qu'on peut difficilement étendre de façon systématique aux autres composants de la même famille. Certains des composants fléchés comme toxiques par leur appartenance à la famille des cétones, par exemple, sont petit à petit « réhabilités ». Comme la carvone ou la menthone, deux cétones qui n'ont pas la neurotoxicité qu’on attribue à leur « famille ».

Le Dr Pénoël répond de façon circonstanciée et précise à ces arguments dans son article publié en mars 2021 (voir l'encadré en début d'article).

Des arguments contre ce modèle

Le fait est que cette “théorie des groupes fonctionnels” est très débattue en ce moment. Je trouve ça plutôt très sain : l’aromathérapie telle que nous la connaissons aujourd’hui ne date pas d’un siècle. Il est plus que normal, et nécessaire, de vérifier et de confronter les fondements sur lesquels on veut l’appuyer.

Dès 1999, le Dr Pénoël précisait déjà lui-même ceci sur la théorie qu’il avait lui-même proposée :
Le groupement des composants aromatiques selon leur structure et leur fonction chimiques fournit un cadre de référence intéressant. Cependant, ce cadre global est trop général, puisque de nombreuses molécules aromatiques ont des propriétés très spécifiques. (…) Malheureusement, à cause d'un manque d’information, ces relations [entre les structures des molécules aromatiques et leurs propriétés et effets physiologiques et pharmacologiques] ont été simplifiées et généralisées à l'excès. Par exemple, il a été dit que les cétones sont neurotoxiques, mais il est établi maintenant que les molécules ayant un groupe fonctionnel cétone ne sont pas toutes neurotoxiques. [2]

Daniel Pénoël – Aromathérapie

Dr Daniel Pénoël

Raccourci et simplification

En 2010, M. I. Böhning, aromathérapeute exerçant en Suisse, alertait à ce sujet. Dans sa communication “La chimie des huiles essentielles dépoussiérée”, il attirait l’attention sur les manques flagrants de cette théorie, qu’il décrit comme “un raccourci, une simplification”. Et comme toute simplification, elle est forcément réductrice, laissant de côté des pans entiers de connaissance nécessaire. Il souligne de plus ce qui me semble être du parfait bon sens : ce qui a été très utile à une époque doit évoluer sur la base des connaissances actuelles.

Michel Faucon, dans la dernière édition de son Traité d’aromathérapie [3], reprend exactement les mêmes termes, et note : “Ne considérer uniquement les HE que comme un simple assemblage de molécules chimiques est une notion qui me semble insuffisante, car partielle et donc déjà défectueuse.

“Réductrice et erronée”

La Dr Petra Ratjac n’y va pas par quatre chemins dans son article “Chemistry of essential oils: Why the functional group theory is wrong?” (novembre 2017). Elle anime, avec d’autres, le site Dropsmith, très utile, très bien fait, et utilisé par de nombreux aromathérapeutes. L’un de ses arguments principaux, qu’elle développe de façon tout à fait convaincante dans son article que je vous invite vraiment à lire, c’est que la “biologie ne peut pas être réduite à la chimie”. C’est simple, et pourtant ça paraît une évidence. En tout cas, cette chimie-là est impuissante à expliquer pourquoi tel ou tel groupe est censé fonctionner de telle ou telle façon, et ne s’appuie en rien sur le résultat de l’expérimentation…

Le Dr Pénoël répond de façon circonstanciée et précise à ces arguments dans son article publié en mars 2021 (voir l'encadré en début d'article).

Premiers jalons pour une autre proposition

Le Dr Daniel Pénoël s’est tourné, depuis quelques années, vers une autre approche, celle de l’aromathérapie quantique. Vous en trouverez les grandes lignes dans son ouvrage du même nom, l’Aromathérapie quantique [4].

Trois des grands spécialistes en aromathérapie, Robert Tisserand, E. Joy Bowles et Marco Valussi, ont tout récemment remis les groupes fonctionnels à leur place. Pour eux, cette théorie ne peut pas fonctionner seule, même si elle peut être pertinente dans un processus beaucoup plus large. Où d’autres outils viennent compléter, préciser, nuancer, contredire parfois ce que cet outil-là permet de déterminer. Ils sont très clairs dans le titre de leur longue analyse parue dans le Journal international d’aromathérapie holistique et professionnelle : “Démystifier la théorie des groupes fonctionnels : pas étayée par des preuves actuelles, pas un outil pédagogique utile” [5]. Ils proposent une autre perspective, que j’aurai l’occasion d’exposer plus en détails dans un autre article.

Que retenir quand on débute avec les huiles essentielles ?

Il faut surtout rester vigilant·e. La chimie, c’est plus qu’utile, mais attention aux généralisations abusives quand on connaît mal les molécules en cause. Et surtout quand on oublie qu’une huile essentielle, contrairement aux médicaments auxquels nous sommes habitués, ça n’est pas une seule molécule active, mais des centaines qui s’influencent toutes entre elles.

La chimie ? Oui, bien sûr, mais attention aux généralisations abusives et très répandues sur les toxicités !

Utiliser les huiles essentielles à VOTRE rythme et selon VOS besoins

Rien ne vous empêche d’apprendre à votre rythme à apprivoiser les huiles essentielles, en vous informant sur leurs composants chimiques petit à petit. En recoupant les informations, et en sachant que les résultats de leur étude sont en constante évolution. Une huile essentielle à la fois ! Vous apprendrez à la connaître tranquillement, en notant les effets qu’elle produit sur vous, d’abord et avant tout : une huile essentielle bonne pour votre voisine ou votre meilleure amie ne vous fera pas forcément le même effet. Et inversement. Nous sommes des êtres vivants, de la matière vivante qui n’est jamais identique d'un être à l'autre, et qui évolue et change en permanence dans un seul être-même. Comme les plantes, et leurs huiles essentielles. Gardez ceci en tête : chaque plante est unique, chaque huile essentielle est unique. Et vous êtes tout à fait unique !

En revanche, ne perdez pas de vue que le contenu d’un flacon d’huile essentielle n’est jamais identique à un autre. Même les deux sont désignés par le même nom. Il n’existe pas, par exemple, une seule lavande vraie, dont on retrouverait la composition à l’identique dans chaque flacon labellisé “lavande vraie / Lavandula angustifolia”. Les huiles essentielles sont extraites d’une matière vivante, influencée par de très nombreux facteurs qui varient en permanence. En conséquence, la composition d’une huile essentielle – et ses effets sur nous, par extension – n’est jamais tout à fait la même. Certain·es affirment parfois qu’il s’agit de “médicaments” comme les autres : il me semble que c’est une utilisation erronée du terme. Tout simplement parce qu’il évoque, pour la plupart de ceux et celles qui l’entendent, ces produits (de synthèse) calibrés au micron près dans les laboratoires. Tout l’inverse, à vrai dire, de ce qu’est une huile essentielle, fondamentalement.

Quelle est la « bible » de l’aromathérapie ?

Vous voudriez trouver un ouvrage définitif qui vous dirait absolument tout ce qu’il y aurait à savoir sur les huiles essentielles et leurs utilisations possibles ? Au risque de vous décevoir, une telle « bible » n’existe pas.

Les ouvrages publiés régulièrement – et ils sont très nombreux – sont une photographie, plus ou moins complète, précise et juste selon la maîtrise de ceux ou celles qui les ont écrits, à un moment donné dans le temps. Certains sont très généralistes, par exemple : on vous y propose des « recettes » qui seraient universelles. C’est oublier que chacun·e réagit différemment, parfois très différemment, aux huiles essentielles. Et comme je l’ai indiqué plus haut, il n’y a pas non plus de composition standard d’une huile essentielle. Ces “recettes” doivent obligatoirement être adaptées à la personne qui les utilise. Et ça, aucun livre n’est capable de le faire.

Les ouvrages plus pointus, par ailleurs, ne peuvent pas tenir compte de l’évolution de la recherche, forcément. Ils sont figés dans le moment précis où ils ont été rédigés. Ils peuvent être très complets à ce moment-là. Mais 5, 10, 20 ou 30 ans plus tard, ils risquent de présenter des lacunes plus ou moins importantes.

Des références diverses sur l’aromathérapie

Alors bien sûr, tous ces ouvrages, d’une manière ou d’une autre, servent de références, de bases sur lesquelles on peut s’appuyer. En cela, ils restent très utiles et précieux. Mais il faut s’informer régulièrement et consulter des publications plus récentes. Et surtout se méfier des gros titres des journaux ou magazines pas toujours très sérieux qui cherchent à vendre du papier (difficile depuis que l’usage d’internet s’est largement étendu !). Ou qui ont des motifs pas toujours très clairs de chercher à vous faire peur.

Internet est une source inépuisable d’informations. En tout genre ! De la plus sérieuse à la plus fantaisiste. Il s’agit donc de les consulter en gardant une distance critique, et en croisant ces informations. Pour les vérifier, les ajuster, les contredire parfois. Et ce que je vous raconte fait aussi partie de ces informations qu’il faut vérifier. 🙂 C’est la raison pour laquelle je vous indique toujours le plus de sources possibles parmi celles que j’ai pu étudier.

Les risques ou les “dangers” des huiles essentielles

On lit donc quelquefois des gros titres sur les dangers de telle ou telle huile essentielle. Qui, par exemple, feraient pousser des seins aux petits garçons… (Voir les rapports d'étude très sérieux de Jessie Hawkins indiqués dans les Références, sur une expérimentation qui démontre le contraire.) Si vous voulez bénéficier des effets réels des huiles essentiels, éloignez-vous des articles et dénonciations à sensation, surtout quand ils ne s’appuient sur rien de sérieux. Une hirondelle ne fait pas le printemps. Une seule étude est loin de suffire à établir une vérité, surtout quand cette étude est très controversée… C'est vrai pour les bénéfices des huiles essentielles comme pour les risques éventuels.

Une utilisation raisonnée des huiles essentielles

Si vous recherchez un remède “miracle” – c’est un mot qu’on croise souvent dans les groupes des réseaux sociaux –, réfléchissez un instant ! Si un tel remède devait exister, on pourrait l’utiliser sans se préoccuper de quoi que ce soit d’autre que se l’administrer. C’est le principe du “miracle” : on ne se pose pas de questions, ça se produit, et voilà ! Pas vraiment le cas avec les huiles essentielles : leur utilisation demande un peu de réflexion, pour réellement bénéficier de leurs bienfaits et pour limiter tout risque.

Les huiles essentielles sont bel et bien des concentrés de puissance, et en cela, elles peuvent être dangereuses. Mais le seul véritable risque lorsqu’on les utilise, c’est de mal, voire très mal les employer: méconnaissance du fonctionnement du corps humain, mauvais dosages, ignorance des règles d’application ou d’administration, méconnaissance des huiles utilisées et de leur contre-indications…

Tout est dangereux !

Est-ce que vous avaleriez n’importe quoi, ou n’importe quelle substance médicamenteuse par exemple, sans avoir une idée des effets attendus, ou comment vous êtes censé·e l’utiliser ou ne pas l’utiliser et pour quelle raison? Je suis sûre que non. C’est le mauvais usage qui crée le vrai risque, comme pour tout un tas de produits ou de médicaments que vous avez chez vous. Si vous ne savez pas comment les utiliser en toute sécurité, ils sont tous susceptibles de vous provoquer de sérieux problèmes.

Théorie dépassée, recherches en cours : à qui se fier, alors ?

À vous ! Et à votre bon sens. Et pour vous aider en cela, une seule solution : s’informer et se former, de façon sérieuse ! Ça paraît fastidieux, mais si vous avez déjà entrouvert votre fenêtre sur le monde des huiles essentielles et des bénéfices qu’elles procurent, vous savez déjà combien ça vaut le coup ! Ce n'est pas toujours facile, c’est vrai, lorsqu'on ne parle pas anglais et que la langue de la recherche scientifique, c'est justement l'anglais. N’hésitez pas à parcourir les articles de ce blog. J’y rassemble des informations solides sur de nombreux sujets qui touchent aux huiles essentielles. Je vous apporte en direct, et en français abordable, les informations extraites de ces articles et publications dans la langue des sciences.

Et croyez-moi sur parole : depuis plus d’une quinzaine d’années que j’utilise régulièrement de nombreuses huiles essentielles, il ne m’est rien poussé d’inhabituel nulle part. Vous pouvez le vérifier sur ce portrait de moi, fait il y a deux jours…

Mise à jour la plus récente : juillet 2022


Références

[1] Gerhard Buchbauer (Institute für Pharmazeutische Chemie der Universitât Wien, Austria), “Aromatherapy: Do Essential Oils Have Therapeutic Properties?”, Perfumer & Flavorist vol. 15, May/June 1990 (communication présentée la Conférence internationale sur les huiles essentielles, saveurs et parfums tenue à Beijing en octobre 1988) [ma traduction].
[2] Le Dr Daniel Pénoël, co-auteur avec Pierre Franchomme de l'ouvrage de référence L’Aromathérapie exactement paru en 1990, où ces regroupements étaient présentés et détaillés, pour la première fois, de façon complète à propos des huiles essentielles, précisait les choses dans un article publié par The International Journal of Aromatherapy : d’une part, il y rappelait que son ouvrage était destiné d'abord à ses collègues médecins et professionnels de santé. (On imagine mal une pratique familiale mettre en œuvre une grande partie de ce qui y est décrit, et ce n'était de toute évidence pas l'objectif de ce livre.) Ensuite, le Dr Pénoël indique également que : « Le groupement des composants aromatiques selon leur structure et leur fonction chimiques fournit un cadre de référence intéressant. Cependant, ce cadre global est trop général, puisque de nombreuses molécules aromatiques ont des propriétés très spécifiques. (…) Malheureusement, à cause d'un manque d’information, ces relations [entre les structures des molécules aromatiques et leurs propriétés et effets physiologiques et pharmacologiques] ont été simplifiées et généralisées à l'excès. Par exemple, il a été dit que les cétones sont neurotoxiques, mais il est établi maintenant que toutes les molécules ayant un groupe fonctionnel cétone ne sont pas neurotoxiques. (…) » C’était en 1999 ! Il vous reste sans doute quelques pendules à remettre à l'heure du nouveau millénaire, Dr Pénoël ! Mise à jour mars 2021 : je doute que le Dr Pénoël ait lu cette invective, mais il a bel et bien répondu à un certain nombre d'arguments présentés ici, dans sa Réponde à l'étude (…) de Robert Tisserand et al. (voir la référence 6 ci-dessous).
(Extrait et traduit de Daniel Pénoël, « Medical Aromatherapy », The International Journal of Aromatherapy 1998/1999, vol. 9, n° 6, Harcourt Publishers Ltd).
[3] Michel Faucon, Traité d’aromathérapie scientifique et médicale, Les huiles essentielles, Sang de la Terre, 3e éd., Paris, 2017.
[4] Daniel Pénoël, l’Aromathérapie quantique, Pour se réaliser avec les huiles essentielles, Trédaniel, Paris, 2015.
[5] Robert Tisserand, E. Joy Bowles, Marco Valussi, “Debunking Functional Group Theory: Not Supported by Current Evidence and Not a Useful Educational Tool”, The International Journal of Professional Holistic Aromatherapy,
 vol. 7-3, 2018.
[6] Dr Daniel Pénoël, Réponse à l'étude de l'Institut Tisserand “Debunking Functional Group Theroy: Not Supported by Current Evidence and Not a Useful Educational Tool”, Osmobiose, mars 2021.
[7] J. Hawkins, C. Hires, E. Dunne, L. Keenan, “Prevalence of endocrine disorders among children exposed to Lavender Essential Oil and Tea tree Essential Oils”, International Journal of Pediatrics and Adolescent Medicine, 2021 [In Press, Corrected Proof].
[8] J. Hawkins, C. Hires, E. Dunne, C. Baker, “The relationaship between lavender and tea tree essential oils and pediatric endocrine disorders: A systematic review of the literature”, Complement Ther Med, 2020
[9] Voir également le dossier de l'Institut Tisserand :
Can Lavender oil cause breast growth in children?

 
  • Camille Essetra dit :

    Bonjour, je serais très intéressée par le texte de Tisserand et les autres sur les familles chimiques mais je ne le trouve pas en ligne. Est-ce que vous l’avez traduit? ou bien il existe dans une revue en français? Merci votre présentation est super! 🙂

    • Corinne Essentielle Marguerite dit :

      Bonjour Camille, vous ne trouverez pas ces textes en ligne, ils ont été publiés dans un journal papier (regardez dans les références au-dessus, le n° 5). Je ne les ai pas traduits et, à ma connaissance, ils n’ont pas été publiés en français.
      En cliquant sur le lien dans la référence, vous arriverez à la page où on peut commander ce n° du journal. Mais il sera en anglais, quoi qu’il arrive…

  • Super article!! d’accord pas de bible, mais faut bien se baser sur quelque chose.. alors plusieurs bibles!!! lol

  • Sophie S. dit :

    moi personnellement j’utilise les livres de danielle festy je les trouve très bien fait, très facile à utiliser et on y trouve des recettes pour tous les problèmes, c’est quand même pratique vous ne croyez pas?

    • Corinne Essentielle Marguerite dit :

      Bonjour Sophie, et merci pour votre commentaire et votre question. Je crois que vous n’êtes pas la seule à avoir cherché une référence fiable et à l’avoir trouvée dans les ouvrages de Danièle Festy. Pourquoi pas, c’est un choix personnel et il s’agit de votre santé : si vous y trouvez les réponses que vous cherchez, vraiment tant mieux !
      En ce qui me concerne, et parce que vous me posez la question, je suis très mesurée vis-à-vis de ces “bibles”. L’un des grands intérêts de l’aromathérapie, dans sa version holistique notamment, à mon sens, c’est de s’adresser à une personne précise, dans ce qu’elle est entièrement. Son histoire de santé, mais aussi son histoire de vie, ses demandes exprimées et parfois ses attentes non dites, sa vision du monde et sa relation au monde, aux gens, aux problèmes de santé… tout ça, à mes yeux, forme un tout qu’aucun livre ne peut envisager. Je crois fermement (et il me semble bien ne pas être la seule dans ce cas 🙂 qu’on ne traite pas une maladie, un symptôme, mais qu’on aide une personne précise à retrouver son équilibre, physique comme mental. Si possible et dans la mesure de nos moyens. Pour citer le Dr. Pénoël brièvement : “L’établissement de l’aspect relationnel humain est la priorité absolue…”
      Or, les “recettes” toutes faites qu’on trouve dans ces “bibles” ne s’adressent à personne en particulier. Elles visent des symptômes qu’elles présentent comme universels, comme s’ils étaient tous les mêmes pour tout le monde et avaient tous les mêmes origines. C’est bien là que ça me pose un problème. De plus, dans les ouvrages auxquels vous faites référence, il me semble que souvent, on liste un peu trop d’huiles essentielles dans une seule synergie. Comme dans ces préparations toutes faites qui regroupent parfois plus de 20 huiles essentielles différentes ? Pour essayer de couvrir tous les cas possibles, puisque justement on ne sait pas à qui on les destine ?
      Bref, ça demanderait de développer beaucoup plus que dans le cadre d’une réponse ici. Mais encore une fois, si vous vous en servez comme référence, en adaptant vous-même à vos besoins, parfait, je n’ai pas de légitimité particulière à vous dire que vous avez raison ou tort ! 🙂

      • Anne-Carole dit :

        alors vous dites qu’on ne peut se fier à aucun livre? comment on fait alors?

        • Corinne Essentielle Marguerite dit :

          Bonjour Anne-Carole, c’est sur une réponse à votre question que se termine l’article : on se forme et s’informe en permanence, et pas seulement sur le web. Vous pouvez aussi échanger avec les personnes qui ont une pratique solide, elles s’appuient souvent sur une expérience qu’elles complètent par des mises à jour théoriques régulières. À mon sens, l’une ne va pas sans l’autre et vice versa. Mais je n’ai pas dit de jeter tous les livres non, bien au contraire ! 🙂 Multipliez et croisez vos sources. Et puis, il est peut-être bon de garder à l’esprit que le domaine de l’aromathérapie, comme de nombreux autres domaines, n’est pas figé dans un savoir inamovible : il évolue, au gré des découvertes, des expérimentations, des recherches. Et puis, « savoir » c’est une chose, mais ce que vous faites de ce savoir, c’est ça l’important 🙂

  • Jane-Ann dit :

    Vraiment tres interessante et complet! je comprend un peu mieux ce que c’est l’aromatherapie pour vous, merci et je vais relire l’article pour etre sur d’avoir bien tout en tete <3 (pardon pour mon mauvais francais)

    • Corinne Essentielle Marguerite dit :

      Votre français est très clair 😉 Revenez quand vous voulez, on vous accueille avec grand plaisir…

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